Un vent fou soufflait sur le monde

1

ça commence. ça va commencer — Test — le clavier fonctionne — sauf le c cédille majuscule — mais sinon ça fonctionne. Point-virgule ; fonctionne. Tiret long — cadratin — ? fonctionne. ça va commencer. ça va pouvoir commencer

Un vent fou soufflait sur le monde

(roman)

Encore un test. Test numéro deux, le dictaphone. Test — Un deux, un deux trois, je n’ai besoin de personne en Harley Davidson — Un deux, un deux trois, je n’ai besoin de personne en Harley Davidson — le dictaphone fonctionne. ça commence. ça va pouvoir commencer

Un vent fou soufflait sur le monde

(roman)

Encore un test. ça va commencer. Test numéro trois, la caméra. Test — l’image est trop floue. Test. Encore. Test numéro trois la caméra. Zoom. Fonctionne. Ecran de contrôle. Fonctionne. Identification du visage du lecteur. Fonctionne. ça commence. ça va commencer

Un vent fou soufflait sur le monde

(roman)

Un vent fou soufflait sur le monde, et lui il reste assis là à s’enregistrer sur son dictaphone, vent fou soufflant non pas du sud soufflant non pas du nord soufflant non pas d’orient ni d’occident, vent fou soufflant non pas horizontalement mais verticalement et lui, il reste assis là à s’écouter sur son dictaphone, un deux un deux trois un deux un deux trois,

Encore un test. Test numéro quatre la métaphore. Test. Epluchage des navets des carottes et des pommes de terre — l’économe fonctionne. Cuisson des navets des carottes et des pommes de terre — la gazinière fonctionne. Mixage des navets des carottes et des pommes de terre — le mixer fonctionne. Sèche-cheveux soufflant le chaud et le froid maintenu à la verticale au dessus de la soupe de légumes, creusant, comme un vent fou soufflant sur le monde, un cratère en son milieu — fonctionne. ça commence. ça va pouvoir commencer

Un vent fou soufflait sur le monde

(roman)

un vent fou soufflait sur le monde, vent fou soufflant non pas de droite à gauche non pas de gauche à droite soufflant non pas de bas en haut mais de haut en bas, vent fou continu oppressant compressant comprimant opprimant les liquides et les solides, les inertes et les vivants et lui il reste là à tester sa caméra, zoom fonctionne, identification du visage fonctionne, elle descend du bateau une petite valise à la main, en bas de la passerelle s’arrête un instant, personne ne l’attend, elle s’éloigne du quai, se dirige vers l’avenue qui monte en centre-ville, passe devant le marchand de journaux sans regarder les journaux, passe devant le marchand de fleurs sans regarder les fleurs, passe devant la terrasse d’un café sans regarder les hommes la regarder, elle n’est pas d’ici et eux ils restent là, accablés, assis,

La valise. La valise n’est pas crédible. Le modèle est inconnu. Le format n’est pas standard. Elle la tient du bout des doigts comme si elle était vide.

assis là à raconter toujours la même histoire, l’histoire du vent fou qui soufflait sur le monde, au début ce n’était rien qu’un petit vent, un petit vent qui vous appuyait légèrement sur la tête comme la main d’un ami, vent non pas d’été non pas d’hiver non pas d’automne ni de printemps mais vent céleste, soufflant du firmament,

La valise n’est pas crédible ? La valise n’est pas crédible parce qu’elle est vivante Messieurs les lecteurs, la valise remonte l’avenue en sautillant comme un jeune animal.

et elle, une petite valise à la main, silhouette se détachant déjà du lac en contrebas, elle poursuit, sur l’horizon crénelé par les cimes enneigées, son ascension vers le sommet de la colline,