Je dérive à la vitesse moyenne de 13,28 mètres à l’heure. Depuis que je suis né, j’ai déménagé vingt-cinq fois. De déménagement en déménagement, je me suis déplacé de 5586 kilomètres. J’ai tout calculé. 5586 kilomètres en quarante-huit ans, ça veut dire que je dérive à la vitesse moyenne de 13,28 mètres à l’heure. 5586 km, c’est à peu près la distance de Paris à Omsk (5612 km). Mais moi j’ai plutôt fait des boucles. A cette vitesse là, pour arriver jusqu’à Vladivostok il faudrait que je vive jusqu’à cent deux ans, sachant qu’en partant de Omsk il me restera 6346 kilomètres à parcourir. Quand je pense que vingt-cinq déménagements et 5586 kilomètres de bifurcations désordonnées, de demi-tours, de migrations erratiques ne m’ont menés au bout du compte qu’à 492 kilomètres de mon point de départ, alors que si j’avais suivi dès le début un programme rationnel de déménagement, à l’heure qu’il est je serais probablement domicilié à Omsk.
Au milieu du chemin de ma vie, je me trouvai dans une forêt profonde et vis perdue la droite voie, écrit Dante au premier vers du premier Livre de L’Enfer. Quant à moi, si j’avais suivi dès le début la droite voie, à l’âge de vingt-quatre ans j’aurais vécu du coté de Kovrov, Russie. A 2793 kilomètres à l’ouest de Omsk.
Kovrov, Russie