Couleur du Littré

CARMIN

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Rouge éclatant qu’on tire principalement de la cochenille vos traits le soir embellis de tout l’art du matin n’avaient de rose hélas qu’un peu trop de carmin des lèvres de carmin l’occident amincit sa frange de carmin adjectif invariable désignant la couleur du carmin le colibri à gorge carmin des draps carmin des robes carmin bas-latin carmesinus de même radical que cramoisi ajoutez carmin de safranum voyez safranum au dictionnaire et au supplément.

L’écrivain de demain

L’écrivain de demain n’écrivait pas hier n’écrit pas aujourd’hui il écrira demain l’écrivain de demain il écrira qu’hier c’était hier qu’aujourd’hui les conditions ne sont pas réunies demain il écrira qu’il n’écrivait pas hier qu’il n’écrit pas aujourd’hui qu’il écrira demain l’écrivain de demain il écrira qu’il n’y a pas d’histoires qu’il n’y a plus d’histoires qu’il n’y a qu’une histoire toujours la même histoire

L’écrivain de demain il écrira demain la charrue sans début les boeufs après la fin

L’écrivain de demain il écrira demain labyrinthe global fragmentaire morcelé la nature de nos os l’expérience a changé les romans on s’en fout plus personne ne lit tout

tout le monde écrit bi

ographies de nos vies

globales fragmentées

L’écrivain de demain il n’écrira pas toujours il ne parlera pas toujours il ne se taira pas toujours l’écrivain de demain il ne se taira pas toujours quand il écrira il ne se taira pas toujours quand il n’écrira pas l’écrivain de demain il ne se taira pas demain quand il parlera il ne se taira pas demain quand il se taira l’écrivain de demain il ne parlera pas toujours quand il écrira il ne parlera pas toujours quand il n’écrira pas il ne parlera pas demain quand il parlera l’écrivain de demain il ne parlera pas toujours quand il se taira il n’écrira pas demain quand il parlera l’écrivain de demain il n’écrira pas toujours quand il se taira il n’écrira pas toujours l’écrivain de demain quand il écrira il n’écrira pas demain quand il n’écrira pas l’écrivain de demain

L’écrivain de demain

il écrira bien en haut

il écrira bien en haut

l’écrivain de demain

il écrira bien en bas

il écrira bien en bas

l’écrivain de demain il écrira bien devant

il écrira bien devant

l’écrivain de demain il écrira bien derrière

il écrira bien derrière

l’écrivain de demain il écrira bien à droite

il écrira bien à droite

l’écrivain de demain il écrira bien à gauche

il écrira bien à gauche

et sur les côtés

 

Ainsi commencera le récit

qu’il écrira demain

l’écrivain de demain

 

L’é

cri

vain de demain

de

main

sera le roi

le roi

de la samba

 

L’é

cri

vain de demain

de

main

sera le roi

le roi

de la samba

Il reviendra demain l’écrivain de demain

Ne pas voir le kitsch

Sarah Bernhardt par Nadar (Phèdre, 1893).

 » Les bras de la Berma que les vers eux-mêmes, de la même émission par laquelle ils faisaient sortir sa voix de ses lèvres, semblaient soulever sur sa poitrine, comme ces feuillages que l’eau déplace en s’échappant; son attitude en scène qu’elle avait lentement constituée, qu’elle modifierait encore, et qui était faite de raisonnements d’une autre profondeur que ceux dont on apercevait la trace dans les gestes de ses camarades, mais de raisonnements ayant perdu leur origine volontaire, fondus dans une sorte de rayonnement où ils faisaient palpiter, autour du personnage de Phèdre, des éléments riches et complexes, mais que le spectateur fasciné prenait, non pour une réussite de l’artiste mais pour une donnée de la vie; ces blancs voiles eux-mêmes, qui, exténués et fidèles, semblaient de la matière vivante et avoir été filés par la souffrance mi-païenne, mi-janséniste, autour de laquelle ils se contractaient comme un cocon fragile et frileux; tout cela, voix, attitudes, gestes, voiles, n’étaient, autour de ce corps d’une idée qu’est un vers (corps qui, au contraire des corps humains, n’est pas devant l’âme comme un obstacle opaque qui empêche de l’apercevoir mais comme un vêtement purifié, vivifié où elle se diffuse et où on la retrouve), que des enveloppes supplémentaires qui, au lieu de la cacher, rendaient plus splendidement l’âme qui se les était assimilées et s’y était répandue, que des coulées de substances diverses, devenues translucides, dont la superposition ne fait que réfracter plus richement le rayon central et prisonnier qui les traverse et rendre plus étendue, plus précieuse et plus belle la matière imbibée de flamme où il est engainé. Telle l’interprétation de la Berma était, autour de l’oeuvre, une seconde oeuvre vivifiée aussi par le génie.  »  Marcel Proust,  Le Côté de Guermantes.

 » Hiatus troublant entre le kitsch total de la dramaturgie et le modernisme aigu des descriptions de Proust, comme s’il ne voyait pas le kitsch. Eh bien, c’est ça le kitsch : ce qu’on ne voit jamais quand on est dedans ; sorte d’hystérie sélective ». Roland  Barthes, La Préparation du Roman 1 et 2.

Au premier abord, la remarque de Barthes semble évidente, la Berma nous apparaît en effet pathétiquement kitsch. Ce qui caractérise le kitsch barthien, c’est sa non-contemporanéité : Barthes peut voir le kitsch que le narrateur de La Recherche, lui-même trop contemporain de la Berma, ne pouvait distinguer. Mais Barthes peut voir également le « modernisme aigu » de Proust : comme si ce modernisme, forme inversée du kitsch, n’était pas contemporain de Proust et de la Berma, mais de Barthes lui-même ?

Monet  Nymphéas, effets du soir (1897)

« Elles ont, dis-je en parlant des mouettes, une immobilité et une blancheur de nymphéas. (…) et (continuant à imiter le langage du frère dont je n’avais pas osé citer le nom) j’ajoutai qu’il était malheureux qu’elle n’eût pas eu plutôt l’idée de venir la veille, car à la même heure, c’est une lumière de Poussin qu’elle eût pu admirer ».

Poussin  Paysage aux deux Nymphes (1659)

« Au nom du ciel, après un peintre comme Monet, qui est tout bonnement un génie, n’allez pas nommer un vieux poncif sans talent comme Poussin. Je vous dirais tout nûment que je le trouve le plus barbifiant des raseurs. Du reste, continua Mme de Cambremer, j’ai horreur des couchers de soleil, c’est romantique, c’est opéra. (…) Mais, lui dis-je, sentant que la seule manière de réhabiliter Poussin aux yeux de Mme de Cambremer c’était d’apprendre à celle-ci qu’il était redevenu à la mode, M. Degas assure qu’il ne connaît rien de plus beau que les Poussin de Chantilly. Ouais? Je ne connais pas ceux de Chantilly, me dit Mme de Cambremer, qui ne voulait pas être d’un autre avis que Degas, mais je peux parler de ceux du Louvre qui sont des horreurs.—Il les admire aussi énormément.—Il faudra que je les revoie. Tout cela est un peu ancien dans ma tête, répondit-elle après un instant de silence (…). « 

 » A vrai dire, (…) on s’aperçoit très vite que s’il se reprend ainsi en introduisant le mot et l’image des nymphéas c’est pour, d’une part, concrétiser la peinture de Monet qui va faire l’objet de la conversation et, d’autre part, rendre sensible à travers les successives informations qu’il va donner sur les couleurs changeantes des mouettes à mesure que le soleil décline l’écoulement du temps pendant que se poursuivra l’échange des réflexions sur l’art plus ou moins influencées par la mode et par l’âge (ce qui est encore une façon d’évoquer le temps) alternativement émises par la voix de la jeune Mme de Cambremer et la bouche édentée et baveuse de la marquise douairière. » Claude Simon, Le Jardin des Plantes.

Retusche

Photo : Johan Baptist Isenring.

 » Les habitants de la ville de G. sont laborieux, actifs, intelligents. Presque tous ceux qui ont de la fortune le doivent à un travail opiniâtre. Il existe dans la cité des confréries ou associations qui se réunissent de temps en temps pour se divertir. On chante, on danse, on se livre à une joie bruyante qui est alimentée et payée par des souscriptions hebdomadaires. Ces fonds ne servent pas seulement qu’au plaisir, ils aident aussi les confrères tombés dans le malheur ; mais ces associations deviennent quelquefois de véritables coteries qui exercent une influence pernicieuse sur les élections du canton ou des communes. »

Le Continent Pittoresque et ses environs,  Alexandre Martin, 1835.

Mon chagrin

Mon chagrin

C’était comme un chapeau

D’où sortaient des lapins

Un par un

Un par un

Mon chagrin

 

C’est le même refrain

Jusqu’à la Saint-Glinglin

Pipeaux et tambourins

On connaît la fanfare

 

Mon chagrin

Y’en a marre des conins

J’en ai plein mon calepin

Je vais être en retard

Au chagrin

Mon chagrin

 

C’était comme un crapaud

Tout au fond du ravin

J’ai vidé l’eau du bain

Mais pas les nénuphars

 

Mon chagrin

J’en ai fait du hachis

J’en ai fait du boudin

Au cumin

Au cumin

Mon chagrin

 

C’est le même refrain

Jusqu’à la Saint-Glinglin

J’ai vidé l’eau du bain

Mais pas les nénuphars

C’était comme un crapaud

Tout au fond du ravin

Pipeaux et tambourins

On connaît la fanfare

Mon chagrin

Mon chagrin

Mon chagrin

 

 

Jean

Quand il naquit au milieu d’un chou

Jean n’était pas plus grand qu’un p’tit pou

Sa mère l’avait abandonné là

Etant sans le sou et sans le toit

Et chez Jean c’est ce chou dans le champ

Et ce chou dans le champ c’est Jean

Pour le matin de ses vingt ans

Le chou dit à Jean mon gars maint’nant

Va-t-en voir le vaste vaste monde

Goûter au vin et trousser les blondes

Et le chou vit le Jean quitter l’champ

Et le Jean quitta l’chou en chantant

Jean arriva bientôt au village

L’âme en fête et le coeur plein d’images

Mais les gens lui lancèrent des cailloux

Lui reprochant de puer le chou

Pauvre Jean pauvre Jean qui pue l’chou

Pauvre jean pauvre Jean sous les coups

Comme tout est bien qui finit bien

Jean s’en retourna parmi les siens

Au milieu des choux creusa un trou

Pour s’enterrer dedans jusqu’au cou

Pour s’enterrer dedans jusqu’au cou

Et chez Jean c’est ce trou dans le champ

Et ce trou dans le champ c’est chez Jean


Psychologie du trafic

On n’écrit pas toujours. On ne parle pas toujours. On ne se tait pas toujours. On ne se tait pas toujours quand on écrit. On ne se tait pas toujours quand on n’écrit pas. On ne se tait pas toujours quand on parle. On ne se tait pas toujours quand on ne parle pas. On ne se tait pas toujours quand on se tait. On ne se tait pas toujours quand on ne se tait pas. On ne parle pas toujours quand on se tait. On ne parle pas toujours quand on ne se tait pas. On ne parle pas toujours quand on écrit.  On ne parle pas toujours quand on n’écrit pas. On ne parle pas toujours quand on parle. On ne parle pas toujours quand on ne parle pas. On n’écrit pas toujours quand on parle. On n’ écrit pas toujours quand on ne parle pas. On n’écrit pas toujours quand on se tait. On n’écrit pas toujours quand on ne se tait pas. On n’écrit pas toujours quand on écrit. On n’écrit pas toujours quand on n’écrit pas.

Rome

Allez viens mon surhomme

Viens boire un verre de rhum

Viens cueillir mes arômes

Viens fleurir mes arums

Sur les chemins

Qui ne mènent pas à Rome

Allez viens mon beau crom

Agnon ne souci

Ons pas du decorum

Le ver est dans la pomme

Sur les chemins

Qui ne mènent pas à Rome

Urbi et orbi

To be or not to be

Vivre dans la verdure

D’amour et de râpure

De from

Laisse Denise à Florence

Laisse Florence à Venise

L’amour est un chemin

Pas la terre promise

Un chemin

Qui ne mène pas à Rome

Allez viens

Mon surhomme

Viens cueillir

Mes arums

Cravate

T’es toi et moi dans un bateau

Les mots les mots sont des cravates

Cravates à rame ou à rayures

Tombons à l’eau et qu’est-ce qui reste ?

Donne ta langoustine

Aux anchois qu’ils chantent

Les mots nous engloutissent

Les mots nous étranglent

T’es toi et moi au barbecue

Dans le ventre de la baleine

Les crevettes sont des morues

Elles ont tout bu et qu’est-ce qui reste ?

Crachons les arêtes

Aux requins qu’ils dansent

Cornons dans la brume

Les mots nous enrhument

A la ligne les sardines

En rang les harengs

Le cétacé nous échoua

Loin des épaves d’autrefois

Loin des épaves d’autres toi

Loin des épaves d’autres moi

T’es toi et moi dans un hameau

On est troués y’a rien à faire

On a pris l’eau maintenant j’ai l’air

Dans les tuyaux

Et qu’est-ce qui reste ?

Attention attention

Attention à la chanson