L’écrivain de demain il écrira demain la charrue sans début les boeufs après la fin.
Archives de l’auteur : renaud schaffhauser
Couleur du Littré
Rouge éclatant qu’on tire principalement de la cochenille vos traits le soir embellis de tout l’art du matin n’avaient de rose hélas qu’un peu trop de carmin des lèvres de carmin l’occident amincit sa frange de carmin adjectif invariable désignant la couleur du carmin le colibri à gorge carmin des draps carmin des robes carmin bas-latin carmesinus de même radical que cramoisi ajoutez carmin de safranum voyez safranum au dictionnaire et au supplément.
L’écrivain de demain
L’écrivain de demain n’écrivait pas hier n’écrit pas aujourd’hui il écrira demain l’écrivain de demain il écrira qu’hier c’était hier qu’aujourd’hui les conditions ne sont pas réunies demain il écrira qu’il n’écrivait pas hier qu’il n’écrit pas aujourd’hui qu’il écrira demain l’écrivain de demain il écrira qu’il n’y a pas d’histoires qu’il n’y a plus d’histoires qu’il n’y a qu’une histoire toujours la même histoire
L’écrivain de demain il écrira demain la charrue sans début les boeufs après la fin
L’écrivain de demain il écrira demain labyrinthe global fragmentaire morcelé la nature de nos os l’expérience a changé les romans on s’en fout plus personne ne lit tout
tout le monde écrit bi
ographies de nos vies
globales fragmentées
L’écrivain de demain il n’écrira pas toujours il ne parlera pas toujours il ne se taira pas toujours l’écrivain de demain il ne se taira pas toujours quand il écrira il ne se taira pas toujours quand il n’écrira pas l’écrivain de demain il ne se taira pas demain quand il parlera il ne se taira pas demain quand il se taira l’écrivain de demain il ne parlera pas toujours quand il écrira il ne parlera pas toujours quand il n’écrira pas il ne parlera pas demain quand il parlera l’écrivain de demain il ne parlera pas toujours quand il se taira il n’écrira pas demain quand il parlera l’écrivain de demain il n’écrira pas toujours quand il se taira il n’écrira pas toujours l’écrivain de demain quand il écrira il n’écrira pas demain quand il n’écrira pas l’écrivain de demain
L’écrivain de demain
il écrira bien en haut
il écrira bien en haut
l’écrivain de demain
il écrira bien en bas
il écrira bien en bas
l’écrivain de demain il écrira bien devant
il écrira bien devant
l’écrivain de demain il écrira bien derrière
il écrira bien derrière
l’écrivain de demain il écrira bien à droite
il écrira bien à droite
l’écrivain de demain il écrira bien à gauche
il écrira bien à gauche
et sur les côtés
Ainsi commencera le récit
qu’il écrira demain
l’écrivain de demain
L’é
cri
vain de demain
de
main
sera le roi
le roi
de la samba
L’é
cri
vain de demain
de
main
sera le roi
le roi
de la samba
…
Il reviendra demain l’écrivain de demain
Beuron, Allemagne
« Souvenirs de Beuron. C’est comme dans le Berry, sauf qu’on parle allemand. Bonnes bières. Extra. »
Virzapar, Montenegro
» Nous naviguons dans les environs de Virzapar. On bronze. J’ai pêché un saumon. Mille pensées. »
Ne pas voir le kitsch
Sarah Bernhardt par Nadar (Phèdre, 1893).
» Les bras de la Berma que les vers eux-mêmes, de la même émission par laquelle ils faisaient sortir sa voix de ses lèvres, semblaient soulever sur sa poitrine, comme ces feuillages que l’eau déplace en s’échappant; son attitude en scène qu’elle avait lentement constituée, qu’elle modifierait encore, et qui était faite de raisonnements d’une autre profondeur que ceux dont on apercevait la trace dans les gestes de ses camarades, mais de raisonnements ayant perdu leur origine volontaire, fondus dans une sorte de rayonnement où ils faisaient palpiter, autour du personnage de Phèdre, des éléments riches et complexes, mais que le spectateur fasciné prenait, non pour une réussite de l’artiste mais pour une donnée de la vie; ces blancs voiles eux-mêmes, qui, exténués et fidèles, semblaient de la matière vivante et avoir été filés par la souffrance mi-païenne, mi-janséniste, autour de laquelle ils se contractaient comme un cocon fragile et frileux; tout cela, voix, attitudes, gestes, voiles, n’étaient, autour de ce corps d’une idée qu’est un vers (corps qui, au contraire des corps humains, n’est pas devant l’âme comme un obstacle opaque qui empêche de l’apercevoir mais comme un vêtement purifié, vivifié où elle se diffuse et où on la retrouve), que des enveloppes supplémentaires qui, au lieu de la cacher, rendaient plus splendidement l’âme qui se les était assimilées et s’y était répandue, que des coulées de substances diverses, devenues translucides, dont la superposition ne fait que réfracter plus richement le rayon central et prisonnier qui les traverse et rendre plus étendue, plus précieuse et plus belle la matière imbibée de flamme où il est engainé. Telle l’interprétation de la Berma était, autour de l’oeuvre, une seconde oeuvre vivifiée aussi par le génie. » Marcel Proust, Le Côté de Guermantes.
» Hiatus troublant entre le kitsch total de la dramaturgie et le modernisme aigu des descriptions de Proust, comme s’il ne voyait pas le kitsch. Eh bien, c’est ça le kitsch : ce qu’on ne voit jamais quand on est dedans ; sorte d’hystérie sélective ». Roland Barthes, La Préparation du Roman 1 et 2.
Au premier abord, la remarque de Barthes semble évidente, la Berma nous apparaît en effet pathétiquement kitsch. Ce qui caractérise le kitsch barthien, c’est sa non-contemporanéité : Barthes peut voir le kitsch que le narrateur de La Recherche, lui-même trop contemporain de la Berma, ne pouvait distinguer. Mais Barthes peut voir également le « modernisme aigu » de Proust : comme si ce modernisme, forme inversée du kitsch, n’était pas contemporain de Proust et de la Berma, mais de Barthes lui-même ?
Monet Nymphéas, effets du soir (1897)
« Elles ont, dis-je en parlant des mouettes, une immobilité et une blancheur de nymphéas. (…) et (continuant à imiter le langage du frère dont je n’avais pas osé citer le nom) j’ajoutai qu’il était malheureux qu’elle n’eût pas eu plutôt l’idée de venir la veille, car à la même heure, c’est une lumière de Poussin qu’elle eût pu admirer ».
Poussin Paysage aux deux Nymphes (1659)
« Au nom du ciel, après un peintre comme Monet, qui est tout bonnement un génie, n’allez pas nommer un vieux poncif sans talent comme Poussin. Je vous dirais tout nûment que je le trouve le plus barbifiant des raseurs. Du reste, continua Mme de Cambremer, j’ai horreur des couchers de soleil, c’est romantique, c’est opéra. (…) Mais, lui dis-je, sentant que la seule manière de réhabiliter Poussin aux yeux de Mme de Cambremer c’était d’apprendre à celle-ci qu’il était redevenu à la mode, M. Degas assure qu’il ne connaît rien de plus beau que les Poussin de Chantilly. Ouais? Je ne connais pas ceux de Chantilly, me dit Mme de Cambremer, qui ne voulait pas être d’un autre avis que Degas, mais je peux parler de ceux du Louvre qui sont des horreurs.—Il les admire aussi énormément.—Il faudra que je les revoie. Tout cela est un peu ancien dans ma tête, répondit-elle après un instant de silence (…). «
» A vrai dire, (…) on s’aperçoit très vite que s’il se reprend ainsi en introduisant le mot et l’image des nymphéas c’est pour, d’une part, concrétiser la peinture de Monet qui va faire l’objet de la conversation et, d’autre part, rendre sensible à travers les successives informations qu’il va donner sur les couleurs changeantes des mouettes à mesure que le soleil décline l’écoulement du temps pendant que se poursuivra l’échange des réflexions sur l’art plus ou moins influencées par la mode et par l’âge (ce qui est encore une façon d’évoquer le temps) alternativement émises par la voix de la jeune Mme de Cambremer et la bouche édentée et baveuse de la marquise douairière. » Claude Simon, Le Jardin des Plantes.
Retusche
Photo : Johan Baptist Isenring.
» Les habitants de la ville de G. sont laborieux, actifs, intelligents. Presque tous ceux qui ont de la fortune le doivent à un travail opiniâtre. Il existe dans la cité des confréries ou associations qui se réunissent de temps en temps pour se divertir. On chante, on danse, on se livre à une joie bruyante qui est alimentée et payée par des souscriptions hebdomadaires. Ces fonds ne servent pas seulement qu’au plaisir, ils aident aussi les confrères tombés dans le malheur ; mais ces associations deviennent quelquefois de véritables coteries qui exercent une influence pernicieuse sur les élections du canton ou des communes. »
Le Continent Pittoresque et ses environs, Alexandre Martin, 1835.
August Sander
On dirait qu’ils sont pressés d’aller danser sans se douter du grand bal qui les attend, ces jeunes paysans du Westerwald en habits du dimanche. (1914).
Mon chagrin
Mon chagrin
C’était comme un chapeau
D’où sortaient des lapins
Un par un
Un par un
Mon chagrin
C’est le même refrain
Jusqu’à la Saint-Glinglin
Pipeaux et tambourins
On connaît la fanfare
Mon chagrin
Y’en a marre des conins
J’en ai plein mon calepin
Je vais être en retard
Au chagrin
Mon chagrin
C’était comme un crapaud
Tout au fond du ravin
J’ai vidé l’eau du bain
Mais pas les nénuphars
Mon chagrin
J’en ai fait du hachis
J’en ai fait du boudin
Au cumin
Au cumin
Mon chagrin
C’est le même refrain
Jusqu’à la Saint-Glinglin
J’ai vidé l’eau du bain
Mais pas les nénuphars
C’était comme un crapaud
Tout au fond du ravin
Pipeaux et tambourins
On connaît la fanfare
Mon chagrin
Mon chagrin
Mon chagrin
Jean
Quand il naquit au milieu d’un chou
Jean n’était pas plus grand qu’un p’tit pou
Sa mère l’avait abandonné là
Etant sans le sou et sans le toit
Et chez Jean c’est ce chou dans le champ
Et ce chou dans le champ c’est Jean
Pour le matin de ses vingt ans
Le chou dit à Jean mon gars maint’nant
Va-t-en voir le vaste vaste monde
Goûter au vin et trousser les blondes
Et le chou vit le Jean quitter l’champ
Et le Jean quitta l’chou en chantant
Jean arriva bientôt au village
L’âme en fête et le coeur plein d’images
Mais les gens lui lancèrent des cailloux
Lui reprochant de puer le chou
Pauvre Jean pauvre Jean qui pue l’chou
Pauvre jean pauvre Jean sous les coups
Comme tout est bien qui finit bien
Jean s’en retourna parmi les siens
Au milieu des choux creusa un trou
Pour s’enterrer dedans jusqu’au cou
Pour s’enterrer dedans jusqu’au cou
Et chez Jean c’est ce trou dans le champ
Et ce trou dans le champ c’est chez Jean
Trafic de la psychologie
Suis-je une rue à sens-unique ?
Psychologie du trafic
On n’écrit pas toujours. On ne parle pas toujours. On ne se tait pas toujours. On ne se tait pas toujours quand on écrit. On ne se tait pas toujours quand on n’écrit pas. On ne se tait pas toujours quand on parle. On ne se tait pas toujours quand on ne parle pas. On ne se tait pas toujours quand on se tait. On ne se tait pas toujours quand on ne se tait pas. On ne parle pas toujours quand on se tait. On ne parle pas toujours quand on ne se tait pas. On ne parle pas toujours quand on écrit. On ne parle pas toujours quand on n’écrit pas. On ne parle pas toujours quand on parle. On ne parle pas toujours quand on ne parle pas. On n’écrit pas toujours quand on parle. On n’ écrit pas toujours quand on ne parle pas. On n’écrit pas toujours quand on se tait. On n’écrit pas toujours quand on ne se tait pas. On n’écrit pas toujours quand on écrit. On n’écrit pas toujours quand on n’écrit pas.
Rome
Allez viens mon surhomme
Viens boire un verre de rhum
Viens cueillir mes arômes
Viens fleurir mes arums
Sur les chemins
Qui ne mènent pas à Rome
Allez viens mon beau crom
Agnon ne souci
Ons pas du decorum
Le ver est dans la pomme
Sur les chemins
Qui ne mènent pas à Rome
Urbi et orbi
To be or not to be
Vivre dans la verdure
D’amour et de râpure
De from
Laisse Denise à Florence
Laisse Florence à Venise
L’amour est un chemin
Pas la terre promise
Un chemin
Qui ne mène pas à Rome
Allez viens
Mon surhomme
Viens cueillir
Mes arums
Cravate
T’es toi et moi dans un bateau
Les mots les mots sont des cravates
Cravates à rame ou à rayures
Tombons à l’eau et qu’est-ce qui reste ?
Donne ta langoustine
Aux anchois qu’ils chantent
Les mots nous engloutissent
Les mots nous étranglent
T’es toi et moi au barbecue
Dans le ventre de la baleine
Les crevettes sont des morues
Elles ont tout bu et qu’est-ce qui reste ?
Crachons les arêtes
Aux requins qu’ils dansent
Cornons dans la brume
Les mots nous enrhument
A la ligne les sardines
En rang les harengs
Le cétacé nous échoua
Loin des épaves d’autrefois
Loin des épaves d’autres toi
Loin des épaves d’autres moi
T’es toi et moi dans un hameau
On est troués y’a rien à faire
On a pris l’eau maintenant j’ai l’air
Dans les tuyaux
Et qu’est-ce qui reste ?
Attention attention
Attention à la chanson