Oui, les mots que j’entendais, et je les entendais très bien, ayant l’oreille assez fine, je les entendais la première fois, et même encore la seconde, et souvent jusqu’à la troisième, comme des sons purs, libres de toute signification. Samuel Beckett, Molloy
Déjà on entend les papillons de nuit jaillir de l’obscurité entre les pins du karst. Un long train de marchandises, sous scellés, passe en brinquebalant, et à l’extérieur des wagons, seule chose claire, les petits plombs qui volètent, au bout des cordelettes. Au silence qui suit — c’est le temps entre les dernières hirondelles et les premières chauves-souris — retentit le son du juke-box. Peter Handke, Essai sur le juke-box
En lisant la proposition de Serge Marcel Roche nous invitant, pour la dissémination d’octobre de la web-association des auteurs, à diffuser des textes sur le thème écouter, j’ai pensé à cette scène d’Alice dans les villes de Wim Wenders où l’on voit, dans un bar, la fillette assise sur une table balancer ses jambes dans le vide — sur une table, ou sur une chaise, il faudrait vérifier sur Youtube — en tout cas elle est assise à côté du juke-box, le juke-box joue On the road again de Canned Heat et elle, elle balance ses jambes dans le vide pour battre la mesure.
J’ai pensé à cette scène parce qu’en lisant la proposition de Serge Marcel Roche, poète basé au Cameroun dont on peut lire les textes sur le blog Chemin Tournant, j’ai pensé à Youtube, et en pensant à Youtube j’ai pensé aux juke-box, et en pensant aux juke-box j’ai pensé aux blogs, parce que les blogs sont des juke-box.
Or, si j’ai pensé à Youtube et donc aux juke-box, c’est parce qu’en lisant la proposition de Serge Marcel Roche j’ai pensé à This is the kit, un groupe que j’ai découvert par hasard sur le web à la fin du printemps, que j’écoute encore sur le web au milieu de l’automne, et que j’écouterai encore au prochain printemps !
This is the kit, c’est le projet musical de la chanteuse Kate Stables (« and whoever joins her »), que je remercie mille fois pour le texte de la chanson Spinney, et pour ses réponses à mes questions !
J’ai demandé à Kate Stables quelle chanson elle choisirait si elle devait n’en choisir qu’une, je lui ai dit que j’étais fasciné par la manière dont elle pouvait interpréter un même morceau de différentes façons, acoustique ou électrique, avec des musiciens divers, ou en solo, etc, et que je voudrais montrer cela, montrer que c’est toujours la même chanson, et que ce n’est jamais la même. Et je lui ai dit que j’appréciais beaucoup le fait quelle diffuse toutes ces différentes versions — que c’était risqué ! et que c’était faire preuve d’une grande liberté. J’ai ajouté que j’étais aussi impressionné par les musiciens qui l’entourent et qui inventent à chaque fois des solutions différentes, je pensais en particulier à Jesse Vernon, et à Rozi Plain, qui est selon moi une grande musicienne.
Kate m’a répondu qu’elle proposait Spinney, dont il existe beaucoup de versions différentes, par exemple en plein air en acoustique « avec Jamie et Rozi », très belle version devant un mur en brique, ça doit être au printemps, les forsythias sont en fleur et on entend chanter les oiseaux, à un moment les trois musiciens tournent la tête vers la gauche, on ne voit pas ce qu’ils voient on n’entend pas ce qu’ils entendent, quelqu’un peut-être qui passait par là s’est arrêté mais ils ne se laissent pas déconcentrer,
une autre vidéo de la même chanson est on ne peut plus étrange, cette fois les instruments sont électriques mais le public est assis et très statique, le concert est donné semble-t-il à l’occasion du vernissage d’une exposition de poteries japonaises, ce qui explique peut-être la tonalité dans laquelle joue le violoniste,
Spinney, c’est un bon choix ai-je pensé, je ne comprends pas l’intégralité du texte, et d’ailleurs ce n’est pas impossible qu’il y ait un double sens, mais je crois que Spinney signifie bosquet, taillis, petit bois, or boisée est un adjectif qui me vient à l’esprit pour définir la musique de This is the kit, boisé, le son très mat de la guitare de Kate Stables, qu’elle accorde, me dit-elle, souvent D A D G B E et de temps en temps C G D G B E, boisés les titres des chansons — Two Wooden Spoons, Birchwood Beaker … — élément bois auquel j’ajouterais l’élément eau, parce que dans la campagne anglaise, on n’est jamais très loin de la mer, on se promène dans un chemin creux, des moutons à tête noire vous regardent, on entend passer une mobylette au loin
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En ce moment Kate Stables, qu’est-ce que vous entendez ? .
j’entends l’autonne et le soleil qui brule toujours assez fort même si on est presque en novembre. Il y a pas mal des choses fous qui ce passe dans le monde en ce moment. mais j’entends aussi de l’Espoir et les gens qui s’engagent pour améliorer des choses ensemble et pour les autres.
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Vous écoutez ?
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anything by richard dawson. surtout l’album « magic bridge «
« the other side of town » by kidsaredead
navidad nuestra by ariel ramirez. best christmas album record ever made in my opinion.
et pas mal de benjamin britten. he’s so very great. i love quality chorale stuff. ninja singers singing insanely difficult harmonies and arrangements.
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tehanu by ursula le guin and to my daughter i’m reading the firework makers daughter by philippe pullman.
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c’est quatre voix acapella. c’est des compositions ecrit et enregistré par catherine hershey et puis pour le « live » on est quatre. c’est tres beaux et ses textes me rappellent de leonard cohen. very poetic. lots of religious imagary and sex. mais le son c’est plutot chant polyphonic du moyen age. donc oui je chant en francais mais je n’ecrit pas en francais. je connais pas assez bien la langue. for me i need to really be able to play with the words and put sentences into shapes and sizes that they wouldn’t normally be. the sounds are very important to me. the words as instruments. je parle pas encore assez bien francais de faire tout ca. il y a des gens qui arrivent a la faire meme dans une deuxiemme langue. david ya ya de herman dune par example. il ecrit des choses tres beaux et poetique et sage et il raconte des histoires dans une maniere tres elequent (est ce que ca se dit en francais ou est ce que c’est que en anglais?) et pour le son de francais. ca me plait enormement. i did choose to live in france and in french after all. to learn and speak a different language teaches us so much about other ways of thinking and communicating. et puis ca devient une partie de ta charactere. ca me manque quand je suis pas en france. ca fait toujours du bien de revenir a paris et de parler en francais.
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et celle-ci est tournée en plein air, dans un parc à Paris, avec des enfants. Des fillettes, qui ont peut-être le même âge qu’Alice (dans les villes), battent le rythme en tapant des mains. A un moment l’une d’elles se retourne pour faire taire les garçons qui courent derrière en criant.
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par ici : le blog de this is the kit
par là : blog de l’illustratrice Phoebe Wahl, qui nous a fait connaître this is the kit
par ici : le site de this is the kit
par là : le label
par ici : this is the kit sur facebook
par là : rozi plain
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Images : Somerset, juillet 2014
Et par ici, la revue disséminée du mois d’octobre 2014 «Ecouter», avec toutes les contributions :
http://www.webasso-auteurs.net/revue-disseminee-du-mois-doctobre-ecouter/