Vendredi 25 octobre 2013, dans le cadre de la webassociation des auteurs, dissémination mensuelle de textes sur les blogs, ce mois-ci sur le thème « une page un jour ».
Un citoyen des Etats-Unis, M. August Sommerfield, vient d’inventer un appareil qui permet de marcher sur les eaux aussi vite que sur terre. C’est la catastrophe du Titanic qui l’a mis sur la voie de cette découverte ; comme il songeait avec tristesse à l’insuffisance des moyens de sauvetage, l’idée lui vint de combiner un costume qui réunit à l’avantage d’être insubmersible, celui de fournir au naufragé un moyen propre de locomotion. On s’attache sous les bras un plastron en toile caoutchoutée et double, comme un sac ; ce plastron fait le tour de la poitrine ; une ceinture le maintient à la taille ; des bretelles le tiennent aux épaules ; on le gonfle avec une pompe, ainsi qu’un pneu d’automobile. Voilà pour le vêtement ; voici pour la chaussure ; on fixe à ses chevilles, comme faisait Mercure, des sortes de talonnières, mais qui diffèrent des siennes en ce que, faites de membranes mobiles, elles rappellent plutôt les pattes de palmipèdes. Muni de ce costume, l’inventeur a traversé le courant du Mississipi aussi rapidement que s’il eût pris le pont. D’autres expériences sur le lac Crève-Coeur ont eu le même succès. Avec l’appareil de M. Sommerfield il ne faut pas essayer de nager ; la position verticale où vous tient le plastron ne le permettrait pas ; il faut marcher comme dans la rue. M. Sommerfield assure que les mouvements sont faciles et coûtent peu d’efforts ; peu importe que l’eau ait dix pieds de profondeur ou dix mille. Si l’emploi de ce système venait à se répandre, les naufrages en pleine mer deviendraient anodins ; il suffirait d’un peu de patience pour regagner à pied New-York, Londres ou le Havre. M. Sommerfield recommande aussi son appareil aux chasseurs de canards.
Publié le 25 octobre 1913 dans La Feuille d’Avis de Lausanne
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